Taking picture of you :

Du haut de ses vingt et un ans, Zakhar reste un grand gamin. D’une certaine manière, il n’a pas réellement eu d’enfance. Alors qu’il devrait être un adulte, il se comporte encore comme un ado capricieux et con, en plus. Il est complètement immature, c’est un chieur de première qui n’en fait qu’à sa tête. N’essayez même pas de lui donner un conseil, ou même de lui donner un avis, tout simplement, il vivrait cela comme un acte de défiance et risquerait de très mal le prendre. S’il y a une chose qu’il ne supporte pas, c’est qu’on lui dise ce qu’il doit faire. Il a pris l’habitude de dominer sa petite bande pendant une poignée d’années, et si aujourd’hui il accepte de se mettre se un pied d’égalité avec les autres, c’est n’est pas une raison pour tenter d’asseoir sur lui une quelconque autorité. Par ailleurs, c’est un garçon impulsif qui n’hésitera pas une seconde à vous mettre une droite si vous le cherchez un peu trop. Et il est d’un borné !

C’est également un indécrottable arrogant, qui préfèrerai mourir plutôt que de laisser sa fierté prendre un coup. Ainsi, il ne refusera jamais le moindre défi, craignant par-dessus tout de passer pour un lâche ou un faible. Zakhar, c’est une véritable tête-brûlée qui passe son temps à se jeter au-devant du danger par amour de l’adrénaline. Il cherche sans cesse à repousser ses limites, et fonce généralement tête baissée sans prendre le temps de réfléchir aux conséquences de ses actes. C’est un provocateur qui a tendance à chercher la merde un peu trop souvent, surtout si vous le gonflez.

C’est une vraie quiche dans le domaine des sentiments, il n’aime pas trop les effusions inutiles. Il ne sait pas exprimer ce qu’il ressent et est relativement maladroit. Mais plutôt que de passer pour un débile à la guimauve, il préférera agir comme un gamin qu’on a bercé trop près du mur, vous taper dessus, ou carrément vous embrasser, et partir en courant, au choix. De la même manière, il n’est pas du genre à raconter sa vie ou parler de ce qu’il a fait par le passé. Pour lui, le passé doit rester derrière lui et non pas empiéter sur son présent. Il n’en a jamais parlé à personne, ni de son passif dans le gang comme voleur, ni d’Alexei. Surtout pas d’Alexei. Il a appris qu’il avait fini en taule, mais il a décidé de se reprendre en main et de penser à autre chose. Quelque part, il est plus accessible maintenant qu’il est seul. Néanmoins, c’est un très mauvais menteur et il est très aisé de deviner sa pensée rien qu’avec ses expressions corporelles.

Enfin, Zakhar est un vrai déconneur, qui, à moins d’être réellement de mauvaise humeur (ou si vous le faites chier), a toujours le sourire aux lèvres. C’est un garçon très loyal, presque surprotecteur avec ses proches, mais il se soigne.

Il n’a pas de projet d’avenir ou de rêve particulier. Depuis huit ans qu’il traine dans les rues de Saint-Pétersbourg, son seul désir est de mourir jeune et le plus heureux possible. Peut-être claquer au milieu d’un orgasme, le tout sous ecstasy. Ça, ce serait vraiment cool. Le reste, il s’en fout.

The pursuit of happiness :

« Je me couche. » Le gosse posa ses cartes sur la table en secouant la tête, mi-agacé, mi-dépité. Son geste tira un sourire satisfait à Zakhar qui le dévisagea silencieusement, les sourcils haussés. Il exposa la face de ses cartes à ses adversaires qui soupirèrent presque tous à la fois, pestant, râlant contre cette énième défaite contre une mauvaise main. Zak, bon joueur, ramassa la mise sans un mot, leur épargnant ses sarcasmes. Les trois-quarts du temps, ils jouaient pour des paquets de gâteaux, des bonbons ou autres conneries du style. Parfois, quand les plus grands rejoignaient leur table, il y avait quelques cigarettes, mais c’était plus rare : les autres enfants avaient cessé de miser gros lorsqu’ils jouaient contre Zak, parce qu’ils perdaient toujours. Du haut de ses treize ans, il était meilleur que le doyen de l’orphelinat. Il fallait avouer qu’il bluffait bien. Pourtant, dans la vie de tous les jours, il lui était impossible de mentir ou de cacher quoi que ce soit : tout se lisait sur sa figure, et ses yeux d’un bleu acier racontaient des histoires. Mais dès lors qu’il s’asseyait autour de leur table de poker, comme tous les jeudis soirs, son visage se fermait, son regard se figeait, et il adoptait cet indéchiffrable demi-sourire qui ne quittait ses lèvres qu’à la fin de la partie.

Tandis qu’il ramassait le jeu, ses camarades se levaient les uns après le autres, le saluaient et regagnaient progressivement leurs dortoirs. La plupart d’entre eux, comme Zakhar, étaient pratiquement nés ici. Il avait grandi entre ces murs, reçu une éducation sommaire, été bringuebalé de foyer en foyer. De ce qu’on lui avait dit, sa mère l’avait abandonné quelques mois après sa naissance, mais il en ignorait la raison. Et il s’en fichait. Lorsqu’il entendait les histoires de certains autres de ses compagnons, il songeait qu’il valait parfois mieux ne pas connaitre ses parents. L’orphelinat, c’était un peu comme un chenil : des gosses abandonnés, ou battus, qui, quand ils sont trop vieux, n’intéressent plus personne. Mais tout ça, ça allait changer.

« Luke, tu dors ? » Zakhar se retourna dans ses draps pour observer la forme qui reposait, immobile, dans le lit d’à côté. « Luke ! » Le môme tira sur la couette de son voisin qui lui répondit en grommelant des bribes de mots incompréhensibles. « Cool. T’es prêt pour dimanche ? » - « Quoi dimanche ? » marmonna l’intéressé sans prendre la peine de se tourner ou même de lever le nez de son oreiller. « Bah, tu sais ! La grande évasion ! » Chuchota Zakhar, un sourire aux lèvres. Il y avait longtemps déjà qu’il avait envie de s’en aller. L’orphelinat, ce n’était pas si mal, mais il en avait marre. Il ne voulait pas passer toute son existence entre quatre murs, il voulait voir le monde réel, vivre sa vie quoi. Il y eu un silence. « Je ne viens pas. » lâcha Luke, plus réveillé que jamais. Zak se redressa brusquement dans son lit. « Tu te fous de moi ?! Depuis des mois qu’on en parle ! Je croyais qu’on était potes ! ». Son ami s’assit à son tour. « Mais ça n’a rien à voir ! J’ai réfléchi et j’ai changé d’avis, c’est tout. Je n’ai pas envie de crever de froid dans un égout, excuse-moi. » Le môme se laissa tomber sur son matelas et rabattit la couverture sur son visage, bien parti pour se rendormir. « Dégonflé, va. » lâcha Zakhar avant de faire de même. « Tu vas te dégonfler aussi, d’ici dimanche. Ou alors tu rentreras docilement au bercail ; mais tu ne tiendras pas cinq minutes dehors. ». Silence à nouveau. « On verra bien. » marmonna Zak avant de fermer les yeux, les sourcils froncés.

Luke avait au moins raison sur une chose : il faisait carrément froid. Le gosse enfonça ses poings dans ses poches, se félicitant de s’être bien couvert. Il avait rempli un sac à dos avec ce qu’il avait de plus chaud, un peu d’argent, et des dizaines de paquets de gâteaux qu’il avait accumulé en les gagnant au poker. Le ciel gris laissait penser qu’il n’allait pas tarder à pleuvoir, c’est pourquoi le petit garçon accéléra le pas, zigzagant rapidement entre les passants qui se dirigeaient dans la direction opposée. N’empêche qu’il l’avait fait : il s’était tiré. Et quoi qu’en dise Luke, il ne remettrait pas les pieds à l’orphelinat, il était bien trop fier pour ça. Il préférait de loin se laisser mourir dans une ruelle plutôt que d’admettre qu’il avait eu tort. Ça leur ferait beaucoup trop plaisir, à tous. De toute façon, il n’avait pas eu tort.

Le gamin s’engagea dans une petite rue, à l’abri des grands lampadaires des artères principales et de la circulation du début de soirée. Tout était beaucoup plus calme. Il continua sa route, s’enfonçant plus profondément dans le dédale d’allées. Il stoppa sa marche et s’assit sous un porche, posant son sac sur la marche à côté de lui. Un sourire se dessina sur son visage tandis observait autour de lui. Sa première nuit dans la rue, l’aventure commençait. Alors oui, à treize ans il était un peu con de croire que pioncer sous un porche c’était cool, mais passons. Le môme se leva et alla contourner deux poubelles débordantes qui se trouvaient un peu plus loin, en contrebas. Il fouilla dans les divers détritus jonchant le sol, les retournant du bout du pied, avant de se saisir d’une immense boite en carton pliée que l’humidité avait épargnée. Revenant sur ses pas, il l’installa sous le porche, contre la porte qui semblait condamnée, et s’en fit un abri de fortune avant d’y déposer une couverture qu’il tira de son sac et de se glisser à l’intérieur. Zakhar s’empara d’un paquet de gâteaux qu’il commença à grignoter sans faim. Il se mit à réfléchir à ses plans d’avenir mais chassa ces pensées de son esprit. Il songerait au futur demain.

Un bruit métallique le tira de ses rêveries quelque peu naïves. Il se redressa dans son abri de fortune, tous les sens en alerte. A vrai dire, il avait un peu peur. Il serra ses doigts sur le futile couteau qu’il avait volé à la cantine et se leva, prêt à affronter le terrible danger qui l’attendait derrière la poubelle. Le bruit se répéta, comme si on avait shooté dans une vieille boite de conserve. Tout en s’approchant, le gamin s’attendait déjà à voir surgir un vieux clochard pouilleux et assoiffé de sang, mais il n’en fut rien. Au lieu de ça, ses yeux bleus se posèrent sur un minuscule chiot au pelage sable emmêlé et au regard larmoyant. Craintif, celui-ci se ramassa sur lui-même, la queue entre les pattes, les oreilles basses. « Hey, approche ! » Zak tendit les doigts vers son museau. Il remarqua qu’il portait un collier. Sans crier garer, il saisit la lanière de cuir et tira l'animal vers lui, ignorant ses couinements plaintifs. L’enfant le prit dans ses bras et le souleva du sol afin de pouvoir lire la médaille plus ou moins rouillée qui pendait dudit collier. « Loki » déchiffra-t-il, les paupières plissées. « Toi aussi ta mère t’as abandonné ? » ajouta t’il en posant ses yeux sur son compagnon à quatre pattes, comme s’il s’attendait à une réponse de sa part. « Tu m’as l’air d’avoir faim. Viens. » Le chiot toujours sous le bras, Zakhar se faufila dans sa maison en carton avant d’attraper un biscuit et de le lui tendre. L’animal commença par le renifler, méfiant, avant de l’engloutir avec appétit. Le gosse glissa ses doigts derrière ses oreilles, tout en lui tendant une seconde friandise. Au bout de la quatrième, le chiot sembla rassasié et il se roula en boule avant de s’endormir dans les bras de Zakhar qui s’enroula dans sa couverture et fit de même.

Le soleil n’était pas encore totalement levé lorsqu’il se réveilla. Alors qu’il entrouvrait les paupières, il eut l’étrange impression que quelqu’un fouillait dans ses affaires. Encore dans les vapes, il mit plusieurs secondes à se rappeler où il se trouvait, et pour quelle raison exactement il dormait dans un carton. Puis il réalisa que quelqu’un fouillait effectivement dans ses affaires et bondit sur pieds avant d’attraper le voleur par les cheveux en poussant un cri de bête sauvage. L’autre garçon lâcha aussitôt son sac qui retomba sur le trottoir en déversant au sol tous les paquets de gâteaux qu’il contenait. Il ne lui fallut néanmoins pas longtemps pour se débarrasser de Zakhar d’un coup de coude dans les côtes afin de le faire lâcher prise. Le môme bascula en arrière et se retrouva sur les fesses, une poignée de cheveux bruns dans la main. « Mais t’es un grand malade toi ! » L’autre plaqua sa paume contre son crâne, foudroyant Zak du regard. Il devait avoir sensiblement le même âge que lui, bien qu’un peu plus grand. « Pourquoi tu fouillais dans mon sac ?! » cracha Zakhar en réunissant ses affaires. « Ça trainait. Tu es sur notre territoire ici, et tout ce qui traine appartient à la rue, tu devrais le savoir. » Puis il couvrit du regard les affaires éparpillées avant d’ajouter :« Enfin, vu ton équipement, j’en doute. Où tu comptais aller avec tes gâteaux de gonzesse et ton couteau à beurre ? Tu t’es enfui de chez papa-maman ? » Il laissa échapper un ricanement avant de retourner et de héler un autre garçon : « Hé, Alex, vient voir ce que j’ai trouvé ! ». Le dénommé Alex les rejoignit en trois enjambées. Il semblait trois ou quatre ans plus vieux, seize ou dix sept ans peut-être. Il le jaugea du regard avant de lui tendre la main pour l’aider à se relever. Zakhar ignora son aide et se remit debout par lui-même. « Tu as un nom ? » Il hocha la tête : « Zakhar Levine. » - « Oublies ton nom de famille, tu n’en auras pas besoin ici. Moi c’est Alexei, mais tu peux m’appeler Alex. Et lui c’est Ivan. » Précisa-t-il en désignant l’autre type d’un mouvement de menton. « Qu’est-ce que tu fous là ? » - « Je dormais, il me semble. » - « Je veux dire, dans la rue. Tu m’as l’air bien propret pour un clodo, petit. » Zakhar se renfrogna. « Déjà, ta gueule, je ne m’appelle pas ‘petit’, et ensuite, ouais, je suis clodo depuis longtemps. » - « Menteur. » Alexei croisa les bras et haussa un sourcil, dévisageant son interlocuteur de haut en bas. Zak ouvrit la bouche, puis la referma, avant de marmonner, la tête dans les épaules : « Je viens de l’orphelinat. » L’idée de l’envoyer chier lui avait traversé l’esprit pendant un instant, mais il l’avait écarté, pour une raison que lui-même ignorait. Ce type, Alex, lui inspirait l’autorité. Il songea qu’il devrait être le chef. Le chef de quoi, il l’ignorait, mais il l’était. Le cours de ses pensées fut interrompu par un second ricanement du dénommé Ivan. « Il vient de l’orphelinat, encore mieux ! » - « Ta gueule, Ivan. » Alexei ne se retourna même pas, mais l’autre se tût aussitôt. « Il est à toi ? » Zak commença par froncer les sourcils, ignorant de quoi il parlait, puis il suivit son regard et se remémora l’existence de Loki, petit clébard roulé en boule dans sa couverture. Il hésita un instant puis le prit dans ses bras et hocha la tête. « Tu veux venir avec nous ? » Ivan ouvrit la bouche pour protester, mais l’autre le fit taire d’un infime geste de la main. « Où ça ? » - « Chez nous. »

Le ‘chez-nous’ d’Alexei n’était rien de plus qu’un vieux hangar désaffecté réaménagé en squat précaire. L’avantage, c’est qu’une fois la grande porte fermée, les courants d’air ne passaient plus. Son chiot toujours dans les bras, le môme les avait suivis sur tout le chemin sans dire un mot. Ivan avait fait la tronche tout le trajet, apparemment plutôt réticent à l’idée d’accueillir un nouveau venu, mais il ne broncha pas, ce qui confirma la théorie de Zak quant à la hiérarchie qui régissait leurs rapports. Il y avait d’autres jeunes dans le hangar, au moins une bonne dizaine, mais Alex semblait être le plus vieux. Il les salua d’un signe de tête avant de saisir le môme par l’épaule. « Lui, c’est Zakhar, et c’est mon invité. Donc vous allez le traiter avec le respect qu’il mérite. » Personne ne protesta, et ils se remirent presque aussitôt à vaquer à leurs occupations, quelles qu’elles soient. « Avant, on était dans un hall d’immeuble. C’était vachement plus cosy qu’ici, mais on s’est fait dégager par les flics » Expliqua Alex « ça fait pas longtemps qu’on est installé, c’est pour ça que c’est un peu le bordel. » Zak hocha la tête. Il y eu un bref silence. « Et toi ? » demanda t’il après un instant « pourquoi t’es dans la rue ? » L’autre haussa les épaules. « Bof, tu sais, l’histoire classique. Un père alcoolique qui tapait sur sa femme, qui elle tapait sur ses gosses. On a tous eu une vie merdique ici. Tiens, tu peux t’installer là. » Il lui désigna un coin de béton. « Après t’aménage ça comme tu veux, tu ramasse des trucs, tu te fais ton petit confort. Par contre, évite de laisser trainer tes affaires si tu ne veux pas qu’on te les pique. D’ailleurs, à ce propos, je dois avoir un truc pour toi. » Le blond fouilla dans son sac pendant quelques instant avant d’en tirer un couteau à la lame effilée. « Tiens, tu risques d’en avoir besoin, et ce sera surement plus efficace que celui qui tu as déjà. » Zak saisit le présent et le contempla un instant avant de lancer un regard sceptique à son interlocuteur. « C’est en quel honneur ? » Il haussa à nouveau les épaules. « J’en ai déjà un. Et je t’aime bien. » Il attendit que Zakhar installe ses affaires avant de reprendre la parole. « Je dois t’expliquer deux trois petites choses, si tu veux rester, il y a certaines règles à respecter. Déjà, on n’est pas un squat comme les autres, mais plus une sorte de petite société, soudée … » - « comme un gang. » - « ouais, c’est ça, comme un gang. Donc chacun doit apporter sa contribution, mais je t’apprendrais. Ensuite, le chef ici, c’est moi. Je décide, et personne ne conteste. C’est clair ? » Zak acquiesça. « Bon si tu veux bouffer, va voir Pavel, là-bas, c’est lui qui s’occupe de ça. Et il aura surement des trucs pour ton chien. »

Il faisait particulièrement froid ce soir-là, mais Zak n’était pas vraiment sûr de pouvoir ressentir la température de l’air. Il était défoncé, comme souvent depuis qu’il dealait, c’est-à-dire un paquet d’années. Cinq ans déjà qu’il faisait partie du gang d’Alex. C’était lui qui lui avait appris le métier. Ça, et les vols à main armée pour lesquels il était passé maitre. A dix-huit ans, il avait l’âge de faire légalement tout ce qu’il faisait déjà depuis qu’il en avait treize. Enfin ‘légalement’ si l’on excluait ses petites activités. Cet abruti d'Ivan lui faisait toujours la tronche, et ça n'avait fait que s'empirer depuis que Zak avait plus ou moins commencé à avoir une certaine autorité sur le gang. Alex et lui étaient un peu comme les deux mâles dominants de la meute, et ça, Ivan ne l'avait pas supporté. Alexei n’était pas souvent stone. Ce type avait une force mentale hors du commun. Il avait décidé de ne pas être dépendant, alors il ne l’était pas. Il lui répétait souvent de prendre sur lui pour ne pas devenir une épave comme les autres camés, mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Il n’empêche que ce soir-là, il planait aussi haut que Zak. Ils avaient commencé à se rouler des pelles sans vraiment savoir pourquoi, juste comme ça, parce qu’ils en avaient envie. La seule chose que Zakhar savait, c’est qu’il avait envie de lui, là, tout de suite, au milieu du hangar. « Bon, sérieux, les mecs, vous êtes pas tout seuls ! ». Mark râla un peu, mais ils l’ignorèrent. « Putain, mais regardez-moi ces tapettes ! » Ivan émit son ricanement caractéristique. Zakhar réagit au quart de tour. Bondissant sur ses pieds, il se jeta sur lui et le saisit par les cheveux avant de plaquer la lame de son couteau sur sa joue, juste sous son œil. « Appelle moi tapette encore une fois et je t’arrache les yeux pour les faire bouffer à mon chien. » Ce dernier, assis un peu plus loin, dressa les oreilles. Ce fut Alexei qui les sépara. « Personne ne se bat sous mon toit. ». Zak cracha aux pieds d’Ivan et s’éloigna, talonné par Loki qui vint se frotter contre ses mollets.

La descente des flics n’eut lieu que quelques soirs suivant celui-ci. Seule la moitié du gang à peine était présente, les autres étant sortis mener leur petit business. Zakhar avait été surpris par leur arrivée, ils l’avaient tous été. Après cinq ans de tranquillité, ils avaient tout simplement pensé qu’ils étaient à l’abri de toute menace extérieure. Bien qu’ils aient étendu leur influence sur toute la zone, ils avaient naïvement cru que les autorités ne viendraient jamais mettre leur nez dans leurs petites affaires. Tout s’était passé très vite. La porte du hangar s’était ouverte à la volée et les flics s’étaient engouffrés dans la pièce. Ils n’étaient pas plus nombreux que les membres de la bande, mais ils étaient plus organisés. Zak s’était fait attaquer par le premier à franchir le seuil, tandis que les autres couraient s’occuper de ses compagnons. Il reçut un coup au visage mais continua à se débattre violemment. A un moment, il parvint à balancer un coup de coude bien placé au policier qui le tenait, mais il ne devait son salut qu’à Loki qui vint planter ses crocs dans les mollets en uniforme de l’homme. Celui-ci ne détourna son attention qu’une demi-seconde, mais ce fut suffisant. Zakhar saisit son chien par le collier et l’entraina à l’extérieur. Il avait la chance de ne se trouver qu’à une enjambée de la porte, et en un pas, il était déjà dehors. Il ne pouvait pas dire de même d’Alexei. Ce dernier se trouvait à environ deux mètres de lui, agenouillé au sol, le visage en sang, tandis qu’un flic le menottait. Il esquissa un mouvement vers lui, voulant lui venir en aide, mais son ami secoua la tête. Zak cru lire « casse toi. » sur ses lèvres. A contrecœur, il s’exécuta et parti en courant au travers des ruelles du quartier.

Il marcha pendant un bout de temps, et traversa une bonne partie de la ville avant de se retrouver à Vassilievski. Il ne mit pas longtemps avant de trouver le squat. Il en avait déjà entendu parler, c’était un des plus grands et des plus actifs de la ville. Sans hésiter un instant de plus, il s’engouffra dans le vieux HLM.