Taking picture of you :

Orlando n'est pas un homme à rouler : il a des contacts et il sait s'en servir. Cependant, ce n'est pas non plus un homme violent. Posé et calme, il ne s'énerve pas facilement, voir même jamais, et il a un coeur en or. Seulement, le destin a fait qu'il en est où il est et ça l'a profondément affecté. Avant de faire du commerce, il était adorable : les gens l'aimaient dès le premier regard, il avait un don avec les autres, il était capable de les faire sentir à l'aise avec une simple parole, un simple regard. Ses yeux parlaient pour lui, ils étaient le reflet de sa générosité, de son charme irrésistible. Aujourd'hui, le croiser dans la rue n'est pas une bonne chose ; il est aigri et ronchonneux, il ne parle presque pas et ses sourires sont aussi rares que de gagner le gros lot. Il est passé de coeur sur la main à avare et amer.

Autrefois le plus généreux des hommes, maintenant tout ce qu'il donne ce sont des petits sachets, et seulement s'il a bien été payé. Il déteste faire cela, mais il est obligé, et ça le ronge de l'intérieur. Petit à petit, cette servitude à grugé ce qui restait de son ancienne personnalité et il n'y a que les soirs où, affalé dans un bar, ivre mort, il relate ses anciens exploits d'étudiant à l'université, comment il était populaire, que l'on peut se rendre compte à quel point il se méjuge, il se sent misérable. Et pourtant, il a un orgueil tellement grand que jamais il ne va oser le dire, et s'il peut fair bien des choses à cause de cet orgueil, il peut aussi refuser d'en faire bien d'autres à cause de ça. Impulsif mais réfléchi, il est conscient de chacun de ses gestes et chacun de ses mots, et il regarde, impuissant, sa vie se désagréger sous un destin imposé.

En terme de manies, il en a beaucoup ; le stress lui fait se ronger les ongles presqu'au sang, et sa façon de se délivrer ― un secret qu'il garde préciseument enfoui au plus profond de son silence ; jouer du piano ― a rendu ses mains noueuses et sèches, aux doigts tout en souplesse et en écorchures aux bouts des ongles. Il joue souvent avec celles-ci ; il craque ses doigts bien qu'un pianiste comme lui ne devrait pas, il les frotte l'une contre l'autre, les pétrient. Ses lèvres sont aussi un bon indicateur de son niveau de stress ; il va les mordiller quand il est mal à l'aise, mordre l'intérieur quand il est nerveux et quand il est mort de stress, de trouille ou d'appréhension, il va corquer des bouts surperficiels de peau et les arracher, ce qui fait que ses lèvres sont gercées à l'année et pleines de blessures.

The pursuit of happiness :

Orlando est né à la Nouvelle-Orléans, où il a vécu toute son enfance, qui n'est pas très importante. Rien de significatif n'est arrivé pendant cette période de sa vie ; il habitait un bel appartement dans le quartier français de la ville, il vivait avec ses deux parents et un chien dénommé Skunky, il allait à l'école, avait quelques amis et des problèmes avec des garçons plus vieux, mais rien de bien intéressant.

Là où sa vie commence, c'est en entrant à l'université, à 18 ans. Bien sûr, Orlando a eu son lot de mésaventures ; avec les filles, avec les sports, avec les profs, avec des amis qui n'en étaient pas, mais ça, c'est banal quand on y songe puisque tout le monde a son lot de malheur quotidien, lui compris. Quand vint le temps de choisir quelle université allait profiter de son intelligence indéniable et de sa soif d'apprendre, il tomba sur une brochure pour un programme de Langues internationnal. En deux temps trois mouvements, le voila embarqué pour l'Europe, où il a parfait son français qui tirait un peu de la patte depuis qu'il avait déménagé ― à quatorze ans ― dans un quartier anglais de la Nouvelle-Orléans. Il a étudié sept mois à la Sorbonne, apprenant le français et sa culture, puis son programme lui a fait voir en ordre, et pour des durées différentes ; l'Allemagne, le Brésil, l'Autriche, le Québec, l'Irlande, l'Angleterre, et, finalement : la Russie. Il a obtenu son diplôme d'études en Langues dans ce pays, et il y est resté en se voyant offrir un poste de traducteur ― vu son nombre incroyable de langues comprises, parlées, écrites et lues ― pour un organisme sans but lucratif qui voulait aider les gens dans le besoin à s'en sortir. Au cours des mois qui suivirent l'obtention de son diplôme, Orlando a parcouru la Russie pour aider plusieurs familles immigrantes à s'en sortir, jusqu'à ce qu'il soit affilié à sa propre ville, Saint-Pétersbourg, où on lui a donné pour mission d'aider des gens dans un squat ― que le gouvernement ignorait.

C'est là que tout à basculé. Il y a un peu plus de trois mois, Orlando a commencé à travailler avec les gens de l'organisme pour aider à nourir ceux de ce squat, mais ses collègues ont mal tournés et ont entraîné avec eux Orlando. Dans une spirale qui l'a amené au gouffre de la mort, le jeune homme a tout perdu ; son argent, son travail et sa crédibilité. Il devait des sommes énormes à des dealers importants. Après s'être guéri de son addiction pour la drogue, il s'est vu offrir deux options : la mort et le remboursement de ses dettes en vendant pour les dealers. C'est ainsi qu'il a dû s'abaisser à envoyer des gens au bûcher ― comme lui s'était fait enrôler ― pour repayer ses dettes et s'en sortir vivant. Depuis trois mois, il traîne par-ci par-là et c'est fait un nouveau nom : Lex, le dealer, l'homme qui va vous faire planer tant que vous payez. Ce n'est pas du tout la vie qu'il voulait, mais il n'a pas d'autre choix ; il tien trop à la vie pour se laisser tuer sans rien dire.

Pourtant, il garde espoir qu'un jour, il aura tout repayé à ces vaux-rien et il s'en sortira. Ce ne sera plus lui qui habitera ce squatt, mais les dealer qui l'exploitent aujourd'hui, et en lui grandit cet instinct vil et dangereux ; celui de la vengeance. Au placard le jeune homme serviable et souriant, bonjour le monstre de froideur et de manipulation.